ANNE FERRER


Mes expérimentations actuelles s'articulent autour des rapports que l'être humain entretient avec le règne animal et végétal. La mise en scène cruelle ou tendre, les associations ambiguës que ces différentes espèces m'inspiraient, ont évolué en dix ans, d'une attirance pour les oppositions choc, à une volonté présente de fluidité et de passage en douceur dans leurs manipulations, tant au niveau du sens que de la forme.

Les enjeux formels étant dictés par les spécificités qu'offraient les matières plastiques ou textiles, la maîtrise de ceux-ci a permis cette logique évolution. En effet, mes premiers travaux mettaient en jeu de manière agressive et simple des oppositions violentes (douceurs des couleurs, choc des matières, vulgarité des images, tendresse du toucher, ou aspect direct et “gonflé” de la forme, exécution minutieuse de celle-ci, etc...).

Aujourd'hui, je recherche à mettre en scène de manière plus subtile ces mêmes oppositions de sens, de matières, de couleurs et de formes, mais dans un fondu, sans heurt. Il y a une évidence, un “naturel” dans mes hybridations on ne peut plus artificielles, entre l'humain, le végétal et l'animal, dont il est impossible de distinguer les caractéristiques de manière rationnelle. Le trouble, le malaise que je souhaite procurer chez la personne qui subit, mais aussi agit dans l'environnement ou l'objet créé, est proportionnel au plaisir qu'apporte celui-ci. L'idée de ravissement (ici dans son sens le plus fort, qui suggère à la fois une agression “ravisseuse”, et un plaisir béat), présente depuis longtemps dans ma recherche, est, dans mes toutes dernières créations, mise en “pratique” de manière suave et légère.
L'une, « Esther Williams 2002 », pimpante et nacrée, installée au Parc de La Courneuve, dérive doucement sur l'eau, les indécents cuissots à l'air. L'autre, « Plafond Jardin Mouvant », se prépare à décoiffer de ses tentacules (Art Unlimited, Bâle, juin 2003) le spectateur, dans un léger souffle coloré. La dernière enfin, « Truie fleur Gonflable », réalisée à « Miami Basel », envahit, gène l'espace de ses énormes pétales vivants, grouillants, comme une vraie fausse végétation. L'œuvre dérange autant qu'elle donne du bonheur.